Automne 1960, le moral est au beau fixe chez Facel, la Facellia rencontre le succès espéré sur le marché, les commandes arrivent, les problèmes moteurs sont encore à venir, pour démontrer s’il en était besoin, les performances et la fiabilité de sa voiture Jean Daninos décide de l’engager au Rallye de Monte Carlo de Janvier 1961, pour gagner… bien sur !

C’est Maurice Gatsonidès un ingénieur, inventeur et pilote néerlandais que Jean Daninos a rencontré précédemment qui est choisi. Son expérience de pilote, il a déjà gagné le Monte Carlo en 1953, d’ingénieur, il a construit sa propre voiture à la fin des années 40, intéresse Daninos.

Une voiture est prélevée sur la chaîne, un cabriolet "Dover Grey"; on enlève la capote, fixe un hard-top et plus important on choisit de monter une nouvelle version du moteur Pont-à-Mousson avec 2 carburateurs Weber et un échappement 2-2-1, avec pour objectif annoncé 125 ch SAE à 6500 tr/min…

FA-D178 est alors confiée à Gatsonidès, qui, en bon ingénieur, ajoute ses propres aménagements :
- des crochets de remorquage… ça peut-être utile,
- un troisième essuie-glace au centre du pare-brise, en haut… grande taille oblige, l’angle-mort, non balayé le dérangeant
- des phares antibrouillard en bas de la calandre qu’il découpe pour l’occasion
- un écran en plexi anti-neige au milieu du capot
- et, toujours soucieux d’extrême précision, il installe un tripmaster sur la roue avant gauche et pour cela, doit même percer la carrosserie à l’avant gauche pour passer le câble !

Les organisateurs du rallye ont mis en place pour 1961, un nouveau système d’indice de performance pour relancer dans la course les petites cylindrées. Malgré les difficultés de la route, la neige notamment, le système déraille et favorise outrageusement les petites voitures (les 11 premiers sont des moins de 1100 cm3) Qu’importe ! Les résultats par classe de cylindrée prendront toute leur importance.

La Facellia à l'arrivée du Rallye : A Monaco, une coupe est remise à Messieurs Gatsonidès et Van Noordwijk par Louis Chiron. Notez les "bulles" de phares et le tripmaster branché sur la roue avant gauche.

Sitôt le rallye terminé, FA-D178 reprend le chemin de Colombes, on lui ôte tout ce que Gatsonidès avait installé, on efface les traces trop visibles du Monte-Carlo, une capote remplace le hard-top, un moteur standard est installé et elle est mise à disposition de l’équipe commerciale. A-t-elle été vendue comme neuve ou voiture d’usine, l’histoire ne le dit pas !

Retrouvée dans l’Aisne en 2004, remisée dans un garage, non-tournante, elle est authentifiée par l’Amicale grâce aux archives de la marque et à son numéro de série, les crochets de remorquage et les ancrages de ceintures de sécurité (ventrales seulement !) sont bien visibles, mieux encore les plombs RAM (Rallye Automobile de Monaco) du contrôle avant départ sont encore là !

Rachetée en 2005, une restauration complète est décidée, elle débute en fin d’année par un démontage puis le sablage complet de la caisse avec de bonnes surprises, les percements faits par Gatsonidès sont retrouvés, pour le 3ème essuie-glace, le câble du tripmaster, les fixation de l’écran plexi, et même les petits trous de fixation des plaques rallye, une vraie surprise, les tôles extérieures des portes en aluminium et de moins bonnes surprises, le niveau de la corrosion… les bas de caisse, les planchers sous passagers et coffres sont à refaire entièrement, des longerons sont à reprendre et de nombreux autres points à revoir.

La caisse restaurée,  il faut la peindre, donc retrouver la bonne couleur, "Dover Grey", (les photos d’époque sont toutes en noir & blanc). Les archives de la marque conservées par l’Amicale indiquent que les peintures viennent de chez ICI à Coventry et sont utilisées par des marques anglaises, notamment Jaguar, après avoir été rebaptisées. Une visite à Rétromobile 2006 avec le nuancier d’époque permettra enfin d’identifier le "Westminster Grey" des Jaguar de l’époque comme notre "Dover Grey".

Les difficultés ne faisaient que commencer, le circuit électrique doit être copié et refait intégralement, la sellerie refaite; la capote est enlevée mais il faut retrouver un hard-top, 5 mois de recherche pour un exemplaire hors de prix et dans un état … ! Tout est à l’avenant, rien n’est simple ou facile...

La mécanique c’est une autre affaire, le bloc moteur a été percé et ressoudé (le souvenir de passage d’une bielle ?) la boîte est bloquée …etc. Comme il était décidé de remettre FA-D178 dans la configuration du rallye de 1961, Pierre Brandin l’homme miracle des Facel est mis à contribution : un ancien bloc FA, une culasse neuve et fiabilisée ont été utilisés, et la souscription pour des pipes d’admission spéciales ayant abouti, c’est un moteur "proto F2S" qui a pu être construit.

Pour la boîte de vitesse, autre anecdote, l’Amicale ayant retrouvé chez un casseur, et sauvé de la fonderie, une palette complète de boîtes, une de celles-ci, neuve, a pu être utilisée.

Le moteur reconstruit, la transmission installée, les difficultés ne sont pas terminées : il fallait le mettre en place ce fameux moteur, une calle sous le support moteur pour éviter la colonne de direction, réduire de quelques millimètre la taille du maître-cylindre pour passer, changer la boîte à eau de place et inventer une petite découpe dans le renfort du capot pour fermer le tout.

Il ne restait plus que les mises au point à faire, refaire, re-refaire, re-re-refaire… ! Enfin, à l'été 2009, après 3 ans de dur labeur, FA-D178, a retrouvé sa jeunesse. Quelques détails sont encore à revoir, mais ça marche plutôt bien, elle sera bientôt prête pour retrouver les routes du Monte Carlo (historique cette fois !) en 2012 ou 2013. Une Facel Vega avec palmarès devait être sauvée, c'est fait !